Lors de la constitution d’une société, faisant suite à l’arrêt d’une activité exercée en individuel, il est primordial d’identifier les biens professionnels dont vous allez avoir besoin afin de poursuivre l’activité en société. Quelle est la meilleure solution à envisager pour votre société ?
En exploitation individuelle, une obligation s’impose, celle d‘inscrire au bilan tous les biens professionnels nécessaires à l’activité : le matériel, les bâtiments d’exploitations, les parts sociales, etc.
Mais lors du passage d’une exploitation individuelle en société, une attention toute particulière doit être apportée aux bâtiments qui demeurent essentiels dans une activité agricole et viticole. Que deviennent-ils ?
Plusieurs solutions s’offrent à l’exploitant : les bâtiments peuvent être inscrits au bilan comptable de la nouvelle société ou conservés dans son patrimoine privé lors de l’arrêt de l’activité individuelle. Pour mesurer les conséquences fiscales d’un passage en société, plusieurs étapes doivent être analysées :
• l’arrêt de l’entreprise individuelle,
• l’apport des bâtiments au capital de la société,
• ou leur maintien dans le patrimoine privé.
L’arrêt de l’activité individuelle
Cette cessation d’activité individuelle n’est pas sans conséquence fiscale pour l’exploitant : le fait de replacer le(s) bâtiment(s) dans le patrimoine privé de ce dernier, ou de les apporter à une nouvelle société, déclenche une plus-value. Des mécanismes permettent néanmoins d’atténuer la fiscalité de la plus-value générée :
• une exonération totale ou partielle du montant des plus- values peut être obtenue, si la moyenne de chiffre d’affaires réalisée par l’exploitant au titre des exercices clos des deux années civiles précédentes est inférieure à certains seuils,
• ou un abattement de 10 % du montant de la plus-value imposable à long terme peut être pratiqué à compter de la 5ème année de détention du bâtiment (depuis sa date d’acquisition/ construction). Une exonération totale est acquise à compter de 15 ans de détention.
L’apport des bâtiments lors du passage de l’exploitation individuelle à la nouvelle société
Dans cette situation, les bâtiments seront inscrits au bilan de la nouvelle société et seront affectés à l’activité de cette dernière. Ils deviennent propriété de la société, et non plus de l’exploitant personne physique. L’avantage ici est que des amortissements comptables seront calculés et déductibles du résultat imposable de la société. Le bâtiment étant professionnel, des mécanismes d’exonération des plus-values pourront être enclenchés en cas de revente de ce dernier par la société. La plus-value afférente pourra être partiellement, voire totalement neutralisée. Lors de la transmission des parts de la société, la valeur de part de la société sera plus élevée en raison de la présence du bâtiment. En effet, ce dernier sera transmis en même temps que les autres biens professionnels détenus par la société.
La mise à disposition ou la location des bâtiments à la société exploitante
Si l’exploitant souhaite conserver les bâtiments en nom propre, il peut les affecter à son patrimoine privé. Les bâtiments professionnels étant nécessairement utilisés par la société, deux choix sont possibles :
La location de bâtiments
L’exploitant peut choisir de louer le(s) bâtiment(s) à la société, via un bail (neuf ou dix-huit années), soumis au statut du fermage. À noter que le bail à long terme permet de bénéficier d’abattements spécifiques en cas de donations/ successions.
La mise à disposition de bâtiments
Cette possibilité ne concerne que les associés exploitants d’une société. Les associés non exploitants devront conclure un bail. Dans les deux situations, le loyer payé par la société à l’exploitant constitue une charge déductible, venant en diminution du bénéfice imposable. Le loyer (ou la rémunération des biens mis à disposition) perçu par l’associé propriétaire constitue un revenu imposable au titre de ses revenus fonciers.
Bon à savoir lors de l’apport des bâtiments à la nouvelle société
Le passage devant le notaire est obligatoire, des droits d’enregistrement et émoluments seront appelés sur la valeur des biens.
Quid de la TVA ?
Lors de l’apport du bâtiment à la société, aucune TVA n’est à facturer ou à reverser aux impôts si cet apport est complété par l’ensemble des éléments professionnels (matériel, stocks, DPB, etc.) qui constituent une universalité de biens. En revanche, si le bâtiment est loué ou mis à disposition de la société, le basculement du bâtiment dans le patrimoine privé de l’exploitant peut entraîner l’obligation pour ce dernier de reverser aux impôts une partie de la TVA antérieurement déduite (lors de la construction ou de travaux récents réalisés sur le bâtiment). Le reversement de TVA se calcule par 20èmes, à partir de la TVA déduite, soit lors de l’acquisition, soit lors de la construction de l’immeuble. Si le bâtiment a été détenu/construit depuis plus de 20 ans, aucun reversement n’est à opérer.
L’option TVA Bailleur de Biens Ruraux (BBR)
Elle évite tout reversement de TVA sur les bâtiments lors du passage en société. En contrepartie, il faut facturer les loyers avec TVA à la société, et déposer une déclaration de TVA annuelle.
Précisions
L’option est globale, elle s’appliquera à tous les baux conclus (terres ou bâtiments) si les preneurs sont également soumis à TVA. Cette option n’est donc pas à prendre à la légère. N’hésitez pas à contacter votre conseiller d’entreprise pour vous orienter vers la solution gagnante en fonction de vos projets.
Exemple
En 2020, M. Durand, exploitant individuel agricole, a construit un bâtiment pour une valeur de
300 000 €. Il a déduit 60 000 € de TVA. En 2023, il apporte ses biens en vue de constituer une société. Il conserve le bâtiment dans son patrimoine privé, et fait le choix de conclure un bail avec la société. Le bâtiment ayant moins de 20 ans, M. Durand doit reverser une partie de la TVA qu’il avait antérieurement déduite en 2020, soit 48 000 €. Pour éviter ce reversement, M. Durand peut opter à la TVA BBR pour le bail conclu avec la société. Il facturera alors les loyers en ajoutant 20 % de TVA que la société pourra déduire.
Quid des plantations ?
Il est également possible de conserver les plantations dans le patrimoine privé de l’exploitant. Les conséquences fiscales sont identiques lors du passage en société.
Natacha Grangez Fiscaliste AS Entreprises
asentreprises@as-entreprises.fr